Corsier refuse 50 migrants malgré la visite de Mauro Poggia
Asile - Le magistrat a tenté de convaincre les élus d'ouvrir leur abri PC communal. Récit de la soirée...
Une fois n'est pas coutume, le conseiller d'Etat Mauro Poggia a assisté mardi soir au Conseil municipal de Corsier. Invité par la Commune, le chef du Département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS) a tenté de convaincre les élus de cette petite municipalité de la Rive gauche de loger cinquante migrants dans leur abri de protection civile (PC) communal. Mais après trois heures de discussions intenses, les conseillers municipaux ne paraissaient pas favorables à accueillir des requérants dans leurs locaux. Le débat s'est poursuivi à huis clos. Le Canton se réserve toutefois le droit de réquisitionner l'abri de force (lire ci-contre). Retour sur une des plus longues soirées du Conseil municipal corsiérois.
Dans la petite salle bondée de la mairie, l'ambiance est électrique. Une dizaine d'habitants sont venus assister à la séance. «C'est beaucoup pour Corsier, d'habitude je suis seul», confiera plus tard l'un d'eux.
Après un bref exposé de la problématique, Mauro Poggia répond aux questions des élus. Les visages de ces derniers sont tendus. Ils attendent des réponses claires. Elles ne viennent pas. Ou pas comme ils aimeraient. Certains conseillers municipaux n'hésitent pas à bousculer leur visiteur. «Vous nous demandez de mettre à disposition nos locaux mais vous ne nous donnez rien en contrepartie, s'emporte un Vert. Quel accompagnement proposez-vous pour faciliter l'intégration de ces personnes? Quelles sont les prochaines étapes de notre collaboration?»
Mauro Poggia demande aux habitants de faire confiance au Canton: «Nous ne pouvons pas vous dire à l'avance comment tout cela va se faire.» «Mais qu'est-ce qui nous garantit que vous n'allez pas nous demander d'héberger davantage de migrants dans quelques mois?» interpelle un PLR. «Actuellement, ce n'est pas envisageable», répond calmement le magistrat.
La température monte dans la salle aux fenêtres fermées. Toutes sortes de craintes sont formulées par les membres du Conseil: le manque de place dans les bus, les incivilités dans le village ou encore le regard insistant des hommes sur les écolières et les femmes au bord de leur piscine. Ils n'hésitent pas à suggérer d'autres solutions d'hébergement au chef du DEAS. Par exemple, une annexe dans le jardin du centre d'Anières ou des conteneurs au Bout-du-Monde.
Mauro Poggia écoute, oppose ses arguments et en appelle à la solidarité. Son intervention aura toutefois peu d'impact. Le magistrat à peine parti, les conseillers municipaux confient avoir trouvé ses réponses évasives. Ils refusent de soutenir l'arrivée de requérants dans ces conditions. «Qu'est-ce qu'on ferait s'ils exigent demain d'avoir un lieu de prière?» argumente un élu. «Pareil pour la nourriture, s'ils exigent qu'on ne mange plus de porc?» renchérit son collègue avant que le reste de la table ne recadre le débat. Pour inciter le Canton à trouver d'autres solutions, plusieurs élus suggèrent enfin de rendre leur abri PC «le moins attractif possible». Ils espèrent ainsi que le Canton privilégiera l'ouverture d'autres locaux en priorité, loin de leur paisible village.
C'est le Canton qui décide
Jusqu'à peu, les communes décidaient de mettre leurs abris PC à disposition sur une base volontaire. Mais le Conseil d'Etat a récemment adopté un règlement qui lui permet de réquisitionner ces locaux.
«En 2015, le gros des arrivées a eu lieu entre août et décembre, nous nous attendons donc au même scénario cette année», précise Bernard Manguin, porte-parole de l'Hospice général. Le Canton se prépare ainsi à accueillir 1300 migrants supplémentaires. Or, seules 300?places d'hébergement sont encore disponibles. Le Conseil d'Etat a identifié neuf abris PC communaux qui pourraient héberger ces nouveaux arrivants. Seules Onex, Meyrin et Chêne-Bougeries ont accepté le principe. Cologny, Versoix, Pregny-Chambésy, Thônex et Le Grand-Saconnex ont fait part de leur désaccord au Canton. En tiendra-t-il compte? «Il est exclu de laisser de côté les communes qui s'opposent, en pénalisant celles qui font preuve de compréhension, répond Mauro Poggia. L'ordre est uniquement dicté par la nature de l'abri, le nombre de places et la faisabilité d'une remise en état rapide.»
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